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Effets de l’éradication des espèces introduites sur les écosystèmes de Tetiaroa

Jayna at work

Effets de l’éradication des espèces introduites sur les écosystèmes de Tetiaroa

Ce projet vise à comprendre comment la présence des rats, des fourmis folles jaunes (Anoplolepis gracilipes) et des cocotiers influence la dynamique des écosystèmes terrestres de Tetiaroa, en particulier à travers leurs effets sur les crabes terrestres, les oiseaux marins et l’équilibre global des motu.

Collaborators: Jayna DeVore, research engineer, UPF (UMR SECOPOL, Tahiti) Simon Ducatez, IRD (UMR SECOPOL, Tahiti) Hadjadje Léo (étudiant Master 2, Université de Montpellier, SECOPOL)
Affiliations: Tetiaroa Society, Institute of Research for Development (IRD)
Dates: 07 au 28 juillet et 20 au 28 août 2025

Les chercheurs s’intéressent aux interactions écologiques complexes entre ces composantes : le rôle des oiseaux marins dans l’enrichissement en azote des sols selon les saisons et les emplacements, les fonctions écologiques assurées par les crabes terrestres dans la décomposition de la litière ou la dispersion des graines, et la manière dont ces équilibres se modifient après l’élimination des espèces envahissantes. L’objectif principal est d’évaluer, à moyen et long terme, si l’éradication des rats permet une recolonisation naturelle par les oiseaux marins et une reprise des rôles écologiques essentiels par les crabes terrestres. Ce suivi doit aussi permettre de mieux comprendre comment ces deux groupes contribuent ensemble au fonctionnement et à la résilience des écosystèmes insulaires .

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installation of cameras and transects

Résumé des actions de terrain

Deux missions principales ont été réalisées en juillet et fin août 2025, réunissant trois chercheurs sur le terrain. Ces campagnes avaient pour but d’assurer le suivi post-éradication des crabes, des oiseaux marins et de la végétation sur plusieurs motu de l’atoll. En juillet, l’équipe a mené des sessions de capture-marquage-recapture de crabes sur six plages, afin d’estimer la taille des populations et d’analyser la morphologie des différentes espèces. Ces suivis, initiés avant l’éradication de 2022, permettent aujourd’hui de mesurer les changements observés depuis la disparition des rats, notamment chez les crabes fantômes. Parallèlement, la végétation a été caractérisée le long de 25 kilomètres de transects côtiers utilisés depuis 2021 pour le suivi des oiseaux marins. Les chercheurs ont également procédé à l’entretien des pièges photos — remplacement des piles et cartes SD — destinés au suivi de la reproduction des principales espèces d’oiseaux marins, parmi lesquelles les fous à pied rouge, frégates ariel et du Pacifique, sternes à dos gris, noddis bruns, sternes fuligineuses, fous masqués et sternes huppées. Des pièges photos ont aussi été installés sur les plages échantillonnées, et des enregistrements acoustiques ont été réalisés pour deux espèces de crabes fantômes.

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2 booby chicks

Lors de la mission de fin août, la caractérisation de la végétation a été complétée sur les dix derniers kilomètres de transects côtiers. Les chercheurs ont récupéré les pièges photos installés en juillet et poursuivi le suivi des nids de fous bruns, en collaboration avec l’équipe de B. Gardner et S. Converse de l’Université de Washington. Des sites ont été sélectionnés pour le programme ATTRACT, et plusieurs sessions nocturnes de capture ont permis de documenter la morphologie des crabes fantômes sur deux plages, dont une à Tiaraunu, afin d’élargir la base comparative des données. Ces observations complètent un ensemble cohérent de suivis écologiques destinés à mesurer la réponse rapide de la faune terrestre à la disparition des prédateurs introduits.

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tupa

Résultats préliminaires

Les premiers résultats confirment une évolution très positive des communautés terrestres sur les motu débarrassés des rats. La diversité et l’abondance des crabes ont fortement augmenté, en particulier sur les îlots où les rats noirs étaient autrefois présents. Cette recolonisation rapide illustre le rôle central des crabes dans la remise en état des sols et la reprise des cycles écologiques naturels. Chez les oiseaux marins, plusieurs signaux encourageants ont été observés. Un couple de fous masqués s’est à nouveau reproduit avec succès, et le poussin observé en août était en bonne santé et sur le point de prendre son envol. Ce succès reproducteur témoigne d’un retour progressif des conditions favorables à la nidification et conforte l’idée que la restauration des écosystèmes terrestres bénéficie directement aux espèces marines qui en dépendent. Ces résultats préliminaires suggèrent que l’éradication des rats sur Tetiaroa a déjà permis une re-dynamisation significative des réseaux écologiques terrestres, et qu’un suivi prolongé permettra de mieux quantifier l’ampleur et la stabilité de ces changements.

Perspectives

Le travail se poursuit avec plusieurs axes de recherche complémentaires. Le suivi du succès reproducteur des oiseaux marins continuera grâce au réseau de pièges-photos déployé sur les colonies. En parallèle, la thèse de Michaël, en cours dans le cadre du projet, s’intéresse au fonctionnement des interactions écologiques post-éradication : floraison du tahinu, dispersion des feuilles par les crabes et caractérisation des réseaux plantes-pollinisateurs.

Une nouvelle mission est prévue fin octobre 2025, principalement pour accueillir deux équipes de journalistes souhaitant documenter les effets écologiques de la restauration de Tetiaroa. Cette mission sera aussi l’occasion de vérifier et remplacer les cartes SD et les piles des caméras automatiques installées sur les colonies d’oiseaux marins. L’ensemble de ces travaux s’inscrit dans la continuité du programme à long terme visant à suivre la trajectoire écologique des motu et à mieux comprendre les processus de résilience des écosystèmes insulaires après l’éradication d’espèces envahissantes.